La technique dite a tempera (ou détrempe à l’œuf) est un processus organique, presque vivant, qui demande du temps, de la patience et beaucoup d’humilité de la part de la personne qui peint.
Elle demande de se trouver dans un état de réceptivité et de calme intérieur semblable à la méditation.
Cette technique a été privilégiée par les iconographes russes depuis plus de mille ans, car elle permet d’obtenir une transparence et une subtilité inégalables, ainsi que des couleurs éclatantes, pour faire rayonner la joie et porter la profondeur de la prière.
C’est pourquoi je n’achète pas de planches toutes préparées, je n’achète pas de tempera en tube, je ne cherche pas de raccourcis pour aller plus vite.
Je préfère développer toute mon attention à chaque étape, utiliser des œufs bio de ma voisine et de l’eau filtrée, mélanger les pigments au doigt pour en éprouver chaque grain en conscience et transmettre à l’icône que je peins tout ce que je ressens pour elle.
Les gestes du peintre
Préparer le support
J’utilise une planche de bois de tilleul que j’enduis moi-même de levka, un enduit blanc poncé très finement. C’est sur cet enduit que je déposerai ensuite des pigments (terres, ocres, oxydes) mélangés à du jaune d’œuf et plus ou moins dilués avec de l’eau.
Plus d’informations sur la préparation du support ici.
Préparer le médium à l’œuf
Le jaune d’œuf est composé de lipides, qui sont des corps gras. Il peut donc servir de liant aux pigments – de médium, comme l’huile de lin pour la peinture à l’huile.
Bien sûr, il existe de la tempera toute prête en tube, mais ce n’est pas pour moi, ni pour vous…
Je fais donc la préparation moi-même, avec un jaune d’œuf, un même volume d’eau et quelques gouttes de vinaigre comme conservateur, le tout mélangé lentement. Cela me sert pendant deux ou trois semaines.
Peindre à la flaque
C’est à elle que la “détrempe” doit son nom.
On mélange d’abord à volumes égaux du pigment et de la préparation au jaune d’œuf dans un coquillage ou un godet. Il faut bien bien mélanger, au doigt – ma méthode préférée – ou avec un petit pilon de dentiste en verre dépoli, pour bien entourer chaque grain de pigment de médium.
Pour les couleurs de base des personnages, des vêtements, du décor, de la fleur ou du portrait, on ajoute un certain volume d’eau, on mélange bien, on laisse décanter les particules lourdes et on transvase dans un autre coquillage. Puis on dépose au pinceau la préparation sur la zone du dessin, en formant une flaque. Le séchage peut prendre une à deux heures.
C’est en superposant couche après couche les couleurs que l’on obtient la richesse de teintes et la transparence spécifiques à cette technique.
Le brossage
A d’autres moments, on utilisera le mélange sans rajouter d’eau pour dessiner des traits ou pour faire les ombres et les lumières.
Une œuvre de patience
Les œuvres réalisées a tempera se font sur le temps long. Il faut être patient le temps que les flaques sèchent. Patient le temps que chaque couche sèche bien avant d’en faire une autre, sinon on risque le désastre. Patient et humble, car on ne maîtrise pas le résultat entièrement et on a souvent des surprises.
On pourrait imaginer faire une icône en une semaine, mais en réalité, le temps de travail s’étale plutôt sur deux mois.
L’œuvre terminée nécessite des semaines de séchage, puis elle est vernie avec une huile de lin spéciale, l’olifa, qui demande à nouveau plusieurs jours ou semaines de séchage.